La vie passée: travail en famille
Parce que même si mes grands-parents ont commencé à cultiver en bio en 1970, nous sommes loin d’être parfait, et manquons de cohérence dans certains faits, car, oui, nous avons préféré notre confort et rêvé à l’absence de pénibilité dans notre travail…
Et moi, Céline, je m’interroge sur le parcours fait en trois générations. De l’Ancêtre, mon grand-père, en passant par le Grand Chef, mon père, à moi, voici quelques différences de vie…
Vous le savez : avant nous faisions le métier de nos parents. D’ailleurs, sans aucune surprise, pas de noble dans notre arbre généalogique, juste de la paysannerie, et les 2 côtés toujours en activité pour ma part. Car nous avons tous un grand-parent paysan sur les 4 que nous possédons, avec parfois encore un oncle qui exerce ce métier. Mais les parents ont vite compris que la terre était basse (et souvent ingrate).
Bref, pour ceux qui ont lu Zola, plus besoin de tuer ses aînés pour récupérer le bout de terrain avant sa sœur.
Ici, il y avait jusqu’à 4 générations dans une maison (mes parents ont cassé le cycle). St Rémy a vu mon arrière-grand-mère gérer la maison familiale, mes grands-parents travailler dans les champs, ma mère ado tanguer entre école et début de vie active et mon cousin que ma tante trouvait plus facile de laisser à ses parents.
Travailler ailleurs n’était pas une option. Rester à ne rien faire pendant les vacances non plus. Mon cousin a souvent remercié les hautes herbes des fossés pour se faire la belle durant les étés de son adolescence pour esquiver l’obligation de découvrir la vie, préférant flâner sur les rives de la Mauldre.
Pendant mon année de 3e, j’ai fait les marchés du samedi. Donnant l’occasion à trois générations d’être ensemble. Et il faut avouer que je n’aurai pas connu mes grands-parents sans cela, tellement le travail envahissait leur vie. La nostalgie m’envahit quand je repense aux déjeuners après marché, où nous nous retrouvions chez eux avec ma mère. Le fromage blanc au miel d’acacia, ou au sucre roux croquant sous la dent et où mon pain faisait office de cuillère. Les discussions du quotidien, le partage.
N’empêche, je n’aurais pas imaginé à cet instant que je travaillerais vraiment avec eux. Il y a toujours un imaginaire sur le travail en famille. Avec des pours. Avec des contres.
N’empêche, après des années de liberté, où les copines (peut-être quelques unes au masculin si vous suivez ma pensée…) ont comblé ma vie, je me suis retrouvée d’un seul coup à travailler avec mes grands-parents, mes parents, ma tante paternelle, mon frère environ 50h par semaine. Et le mot vacances était une utopie, et les jours fériés un concept pour fainéant…
Se retrouver en vase clos était assez étrange, même si 2 salariés n’étaient pas de famille. Le travail devenait notre Raison d’Etat (oui, le cours sur Louis XIV en 2nd m’a beaucoup marqué…)
Ma famille vivait repliée sur elle, et le monde extérieur n’était accessible qu’au marché.
Difficile à 20 ans (encore que cette année, beaucoup comprendront)
Heureusement, le temps a modifié les mentalités (même si mon frère et moi ne remettions pas ouvertement en cause leurs principes). Les 35h ont aussi laissé émerger un petit sentiment d’injustice chez ma mère (pourquoi devons-nous continuer à travailler ainsi quand les autres prennent des RTT pour en profiter ?!!!). Certains jours fériés sont devenus fériés. Le décès de ma mère en 2005 nous a aussi prouvé que les cimetières étaient plein d’irremplaçables, mais surtout qu’il faut cueillir la rose…
Aujourd’hui, les Ancêtres ne sont plus dans les champs, que le Grand Chef se contente de faire des sourires aux clients à la caisse et de nous dire tout ce que nous ne faisons pas bien (enfin, ce que nous faisons différemment de lui) et que mon frère a préféré pousser sur la bordure des champs. Le sang familial ne coule plus dans nos veines d’associés (encore que nous soupçonnons les gênes de choisir sa descendance quand nous constatons que Carlos a beaucoup des grands-parents !), mais c’est comme une famille : les champs sont la Raison d’Etat et nous n’avons toujours pas 5 semaines de congés par an…