La vie passée: le temps de travail

Parce que même si mes grands-parents ont commencé à cultiver en bio en 1970, nous sommes loin d’être parfait, et manquons de cohérence dans certains faits, car, oui, nous avons préféré notre confort et rêvé à l’absence de pénibilité dans notre travail…

Et moi, Céline, je m’interroge sur le parcours fait en trois générations. De l’Ancêtre, mon grand-père, en passant par le Grand Chef, mon père, à moi, voici quelques différences de vie…

 

L’agriculture est un monde où il est de bon ton d’accumuler les heures. Montrer au reste du monde que nous travaillons lorsqu’il se repose. Le reste du monde pense ainsi qu’il a bien fait de passer de 95% d’actifs agricoles à 2.5%.

Ici effectivement, nous notons que mes grands-parents avaient de l’urticaire au mot « vacances » et redressaient le torse en parlant de leurs 3 voyages d’étude qui les a menés en Hollande, à Venise et dans le Sud en guise de congé pendant que les autres s’offraient le temps de voir la mer… Ils aimaient à répéter à quel point ils avaient travaillé tout en épluchant les poireaux à 22h en plein mois de Décembre. Et surtout, surtout, ne pas arrêter de travailler. Jamais, sauf si le corps s’arrête. Etre utile à tout prix. Valoriser ce qui peut être. Et ne pas hésiter à travailler 7jours sur 7 en pleine saison, prenant un marché de plus pour vendre les fruits.

Ma mère racontait qu’elle avait éventuellement le droit d’aller danser le 13 juillet si tout était fini avant (un peu comme Cendrillon à qui le droit de coudre sa robe de bal était accordé à condition de tout faire avant…). La notion de plaisir était un peu plus présente chez mes parents. Nous avons eu droit à 4 semaines de vacances dans le Sud en février (sur 20 ans parce qu’il faut pas délirer non plus…), mais un WE dans la famille en Normandie et un dimanche en bord de mer par an. Inculquer la valeur travail était primordiale. Dès la fin de l’enfance, les vacances se passaient dans les champs à la hauteur de nos capacités. Et le début de ma vie active se résumait à une cinquantaine d’heures par semaine, à oublier les jours fériés et juste 1 semaine de vacances à Noël (allez, parfois 10 jours…)

Bref, il n’y avait que le travail, le travail, le travail. Jusqu’à tomber.

Ma mère est tombée malade. Elle n’a pas été la première à mourir jeune. Et sa dernière année avait le regret des projets remis à plus tard.

Heureusement, je suis tombée amoureuse entre temps et sous couvert de le suivre pour rencontrer d’autres producteurs, mon rythme s’est retrouvé allégé, ouvrant mon horizon.

Bien sûr, nous travaillons plus que le minimum syndical. Bien sûr, il faut parfois nous décoller à la spatule des champs. Et bien sûr, nous sacrifions nos enfants sur l’hôtel des obligations de travail, car il est bien plus important de faire le marché que d’aller à une réunion parents/professeurs ou au gala de danse de notre fille…

Mais nous avons appris à savourer les jours fériés (sauf s’ils tombent vendredi ou samedi, parce que, quand même, il ne faut pas pousser mémé dans les orties…), les vacances s’étalent un peu, le plaisir s’invite hors des champs et nous fait explorer d’autres regards pour nourrir notre amour de la terre, et surtout, il y a un fantôme qui cueillent toujours des fleurs au milieu des champs pour nous rappeler qu’il vaut mieux donner de la vie aux années que des années à la vie…

Un commentaire

  • Nguyen Tu Anne 09 / 12 / 2020 Reply

    Céline, c’est très beau! Merci de nous partager ces souvenirs familiaux. Je suis heureuse que l’évolution et la modernité permette aux agriculteurs des respirations hors des champs sans pour autant sacrifier le respect de la terre et donc la qualité des produits.
    Bravo et merci de de ces bons produits qui nous nourrissent depuis si longtemps.
    Anne

Laisser un commentaire