La vie passée: la quantité cultivée pour vivre

Parce que même si mes grands-parents ont commencé à cultiver en bio en 1970, nous sommes loin d’être parfait, et manquons de cohérence dans certains faits, car, oui, nous avons préféré notre confort et rêvé à l’absence de pénibilité dans notre travail…

Et moi, Céline, je m’interroge sur le parcours fait en trois générations. De l’Ancêtre, mon grand-père, en passant par le Grand Chef, mon père, à moi, voici quelques différences de vie…

 

Ma mère nous racontait toujours qu’en hiver, son grand-père vivait une semaine, en vendant aux halles de Paris, une caisse de persil. Aujourd’hui, il nous en faut beaucoup plus pour une famille de 4. En toute honnêteté, nous avons gagné en confort de travail, même si, comparativement, les quantités sont mille fois supérieures… Je n’ai connu aucun de mes arrières grands parents, mais j’ai vu mes grands parents travailler comme des forçats. Et avec fierté. Ils nous racontent leurs échecs comme la construction d’un radeau qui chavire pour aller rejoindre les poireaux entourés par la Seine débordante, ou encore les hivers froids sous la halle du marché où les renoncules brûlaient du côté du chauffage et gelaient du côté de l’allée. Nous avons les photos de la grand-mère, contre son étalage de marché avec seulement une montagne de choux devant elle (comment vous dire que vendre 12 choux verts aujourd’hui sur 300 clients est une victoire !)… Malgré le prix élevé de nos légumes, il faut se rendre à l’évidence : leur coût a baissé depuis l’époque où tout était mieux.

Le travail suivait les saisons et l’hiver les voyait rester sans marché pendant les 2 mois les plus froids car il n’y avait rien à sortir du champ. Maintenant nous rusons avec le temps et en tirons le meilleur parti possible pour tirer l’été jusqu’à novembre et tenter d’avancer le printemps dans nos serres dès fin février.

Nous sommes 3 associés et gagnons notre vie. Comme beaucoup, nos heures sont plus proches de 60 passées dans les champs que de 35. Nous vendons la valeur de 3 camions par semaine contre 2 charrettes pour mes grands parents. Nous avons appris à profiter de la vie les jours fériés et à rêver à des horizons différents, là où le mot vacances était un gros mot. Nous travaillons moins durs, car nous ne sommes pas à éplucher du poireau à plus de 23h les veilles de marché et avons toute une gamme de machines qui nous aident. Nous cultivons plus qu’eux, mais moins qu’à un moment. Nous pourrions en faire plus. Beaucoup plus. Pour satisfaire les demandes. Nos egos aussi. Mais au final, travailler assez pour être heureux de retourner au champ le lendemain est la quantité qui suffit pour vivre.

Un commentaire

  • Marie Odile Rumelhard 02 / 11 / 2020 Reply

    Merci Céline pour ce regard en arrière sur tout ce qui a changé en mieux…mais pas seulement, malheureusement. Je suis toujours choquée que la part consacré aux dépenses alimentaires des ménages ait autant diminué en 50 ans; c’est vraiment très injuste pour ceux dont le dur métier est de cultiver pour nous nourrir.
    Bonne soirée

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