La vie passée : passation des savoirs
Parce que même si mes grands-parents ont commencé à cultiver en bio en 1970, nous sommes loin d’être parfait, et manquons de cohérence dans certains faits, car, oui, nous avons préféré notre confort et rêvé à l’absence de pénibilité dans notre travail…
Et moi, Céline, je m’interroge sur le parcours fait en trois générations. De l’Ancêtre, mon grand-père, en passant par le Grand Chef, mon père, à moi, voici quelques différences de vie…
A l’heure où il faut un diplôme pour tout, j’ai eu la chance de ne pas avoir besoin de poser mes fesses sur un banc pour qu’on m’apprenne la théorie du cycle d’une plante. Car comme disait mon grand-père paternel : « le papier ne refuse jamais l’encre », parce qu’entre la théorie et la réalité, le résultat n’est pas le même. Et mon amour pour l’éducation nationale est à la hauteur de mon ennuie quand j’ai visité ses établissements…
Bref, pour faire pousser une tomate s’apprend bien mieux par le mimétisme que sur un manuel.
Ma mère a appris avec ses parents. Elle nous a traînés très tôt dans les champs quand les autres apprenaient à compter ou à mettre des cubes dans des carrés. Nous avons appris à repiquer plus rapidement qu’à lire (et peut-être massacrer quelques plantes au passage…), apprendre à regarder droit devant soi quand on sème pour faire de jolies lignes droites (ma mère n’en a jamais été capable et disait qu’ainsi, les rangs étaient plus longs…), faire des bouquets de fleurs (sans leur serrer le kiki), puis d’herbes et ramasser les tomates à la bonne maturité.
Les savoirs passaient sans que nous nous en rendions compte, sans effort.
Même si, à son décès, s’apercevoir qu’elle ne notait rien, a été compliqué.
Nous avons réuni 30 ans de carnet pour avoir une année à peu près complète sans avoir toutes les variétés, ni quels réglages de semoir… c’est ainsi que nous avions semé 10 000 fenouils sur 40m avec mon frère avec notre semoir manuel (oui, nous avions eu de l’aneth plutôt que du fenouil), et pendant 5 ans, nous avons fait tout ce qu’il ne fallait pas faire pour y arriver. Mais si on ne se plante pas, nos graines ne pousseront jamais…
Donc, aujourd’hui, tout est noté au cas où…
Mais il est vrai que, pour voir beaucoup de personnes souhaitant s’installer sans être du monde agricole, mes filles vont plus vite sur des gestes simples car elles les ont assimilés en m’accompagnant et que je n’ai pas besoin de leur expliqué comment faire quand un adulte galère à suivre la nouvelle consigne.
Il est dommage que la chose la plus essentielle du monde (se nourrir) ne soit pas enseignée à l’école, et cantonnée aux élèves en difficulté comme si notre besoin primaire était inné…