La vie passée : la musique dans les champs

Parce que même si mes grands-parents ont commencé à cultiver en bio en 1970, nous sommes loin d’être parfait, et manquons de cohérence dans certains faits, car, oui, nous avons préféré notre confort et rêvé à l’absence de pénibilité dans notre travail…

Et moi, Céline, je m’interroge sur le parcours fait en trois générations. De l’Ancêtre, mon grand-père, en passant par le Grand Chef, mon père, à moi, voici quelques différences de vie…

 

Mes grands-parents n’ont pas instauré cette coutume. Ma mère en est la fautive. Il y a toujours eu de la musique à la maison. Elle racontait comment ses payes du marché disparaissaient chez le disquaire. Comment elle avait économisé pour s’acheter un électrophone. La radio portative a tout de suite une place de choix dans les champs. Elle a annoncé le suicide de Mike Brant. Il y avait aussi la fille des ouvriers espagnols qui écoutait en boucle « porqué te vas ? » durant l’été 1974 dans le logement ouvrier.

La pièce à fleurs sèches avait son poste branché, égayant les soirées d’hiver où l’odeur des tiges sèches, mélangée à la poussière nous montait au nez. Quand vous rentriez du lycée à la nuit tombée, seuls la musique et le trait de lumière sous la porte trahissaient la présence de ma mère.

La prise du poteau dans la serre était souvent prise par le poste radio. Notre génération a vu les CDs arriver. Nous les trainions avec nous, consensus pour éviter les stations débiles ou ringardes (selon les points de vue). Le choix différait selon la moyenne d’âge.

Au hangar du haut, nous avons encore un vestige de cette époque : le poste radio est le premier de mon frère. Certes, si nous bougeons la fréquence d’un millimètre, il est possible d’avoir plus de friture qu’autre chose. Mais cela fait presque 30ans qu’il occupe le vide auditif, et anime les soirées froides d’épluchage, quand Carlos ne siffle pas.

Nous déplorions les moments où il fallait quitter une prise pour nous retrouver au milieu du champ sans autre animation que nos paroles (dur quand on se retrouve seul)

Mais la technologie a du bon : si le téléphone portable n’avait aucun intérêt pour moi, le Dieu Deezer a su me faire changer d’avis. Avoir de la musique en poche. A l’infini. Avoir parfois une chanson écoutée il y a 25ans dans ce même champ avec les générations du dessus est une petite madeleine de Proust. Voir ses filles mettre leurs choix (discutables) quand elles sont obligées d’être avec moi est une continuité joyeuse. Un goût que nous leur donnons. Un plaisir partagé. Un souvenir inscrit en nous.

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