La vie passée: les débuts de la chimie

Parce que même si mes grands-parents ont commencé à cultiver en bio en 1970, nous sommes loin d’être parfait, et manquons de cohérence dans certains faits, car, oui, nous avons préféré notre confort et rêvé à l’absence de pénibilité dans notre travail…

Et moi, Céline, je m’interroge sur le parcours fait en trois générations. De l’Ancêtre, mon grand-père, en passant par le Grand Chef, mon père, à moi, voici quelques différences de vie…

 

L’Ancêtre a vu l’agriculture évoluer. Devenir ce que nous appelons pudiquement « conventionnelle ». Il raconte que jusque dans les années 50, il trouvait encore du fumier organique chez de petits revendeurs mais tout a fini par devenir chimique. Et il ne restait qu’à s’adapter, bien qu’effectivement, les rendements explosaient.

Perso, je n’ai connu que le maraîchage bio. Nous avons visité d’autres cultivateurs en conventionnel, et je me souviens d’un maraîcher qui utilisait le hors-sol pour ses herbes aromatiques. Je devais avoir une quinzaine d’année, et mon p’tit boulot dans les champs était les bottes de ciboulette : des heures de tri pour enlever les filaments jaunes, accroupie au sol, parfois sans trop de place pour nos fesses… Je sais que le hors-sol n’est pas bien, mais c’est comme de passer du vélo à la voiture (car tout le monde sait que le vélo serait mille fois mieux pour tous, non ?)

Ma mère, constatant mon ébahissement (et pour tuer toute rébellion adolescente dans l’œuf), nous raconta son expérience de la chimie : la ciboulette était l’argent de poche de ses cousins et elle quand ils faisaient les bottes. Mon grand-père lui montra comment s’occuper des plants : un peu d’engrais et un binage pour l’aider à bien pousser. Ma mère se souvenait des petites billes blanches. Elle saupoudra le sol d’azote… enfin recouvrit intégralement le sol pour être sûre que cela fonctionnerait, et une fois le sac vide, elle se dit qu’elle avait peut-être eu la main lourde. Qu’importe, pour cacher son forfait, elle bina tout : la terre cachant l’engrais blanc. La ciboulette donna à foison tout l’été, disparut en hiver et ne revint jamais… L’engrais chimique avait tout brûlé après avoir boosté la plante. Donc à manier avec précaution…

Il y a aussi les haricots en serre : pas vraiment adaptés à ce forçage, les haricots nains poussent en feuille, et au début de la chimie, pour éviter qu’ils ne s’écroulent à force de pousser en hauteur, il y avait des raccourcisseurs… bref, un produit pour pousser, un autre pour ne pas trop pousser… je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui…

N’empêche, un univers de possibilité s’ouvrait à mes grands-parents avec en plus l’arrivée des serres plastiques qui offraient moins de pénibilité que les châssis.

Mais chaque médaille a son revers, tous s’adaptaient : les ravageurs aussi. Et plus vite que les cultures. C’est donc lors d’un traitement contre le puceron sur ses salades que mon grand-père s’est intoxiqué au produit chimique, alors que les pucerons avaient quelques générations d’avance sur le produit… Au fond de son lit, il a pensé à la manière dont ses parents cultivaient et choisit de faire marche arrière. Pris pour un fou, cela ne fut pas facile tous les jours.

Certains pensent qu’il a fait le bon choix. La preuve, il a 97 ans et est autonome. Ma grand-mère a vécu jusqu’à 94 ans. Autre preuve.

Je ne sais pas si c’est une preuve, ma mère (leur fille) nous a quitté d’un cancer il y a maintenant 15 ans, mais au regard de ce que nous acceptons de comprendre aujourd’hui, il fallait effectivement du courage pour revenir à une agriculture naturelle. Je ne sais pas si je l’aurai fait (je n’ai toujours pas lâché ma voiture alors que j’en connais les méfaits) et profite de moyens qui facilitent ma vie professionnelle… mais peut-être que pas après pas…

Vos commentaires

  • Laurence 11 / 11 / 2020 Reply

    Merci pour ces témoignages toujours très intéressants. Pensez-vous que le décès de votre mère est lié aux produits chimiques ?

    • Céline GREGOIRE 16 / 11 / 2020 Reply

      Je ne pense pas, mes grands parents y ont été beaucoup plus exposée que ma mère. Selon les modes, on peut dire que c’était parce qu’elle prenait trop de laitage, ou parce qu’elle était du groupe sanguin AB, ou parce que nous avons une antenne relais à 500m à vol d’oiseau, ou une grosse contrariété familiale qui est survenue à ce moment-là.
      Je crois surtout que notre santé n’est pas égale d’une personne à l’autre, même dans une famille puisque les gènes sont un peu une loterie.

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